Qu'est-ce que la violence ?

Dans le cadre des actions de prévention de Patouch, nous proposons de définir la violence, les conséquences qu’elle engendre et de la façon d’y faire face ou de lutter contre celle-ci de manière efficace. C’est pourquoi nous présentons, au travers de cette brève revue de littérature, quelques éléments clés pour mieux comprendre la notion de violence.

Définition de la violence 

L’Organisation mondiale de la santé (2002) distingue les violences auto-infligées, les violences collectives et les violences infligées par autrui. Dans le cadre de cette revue,  le terme « violence » fera référence à la violence interpersonnelle, c’est-à-dire celle infligée par une personne sur une autre.

Michaud (2014) expose que l’on parle de violence lorsque la « force » utilisée dépasse la « normale » et qu’elle est donc disproportionnée. Il est donc souvent difficile ou ambigu de déterminer le seuil critique qui détermine qu’un acte est violent ou non, car la violence dépend de la norme qui varie en fonction du contexte social, culturel, historique, etc. Ainsi, certaines violences peuvent être considérée comme normales dans certains contextes et pas dans d’autres. Par exemple, dans le passé, la gifle et la fessée étaient considérées comme partie intégrante de l’éducation des enfants et comme « normales », alors qu’elles sont aujourd’hui définies comme des violences (Michaud, 2014). 

Généralement, la définition de la violence repose sur une vision légale (c’est-à-dire, ce qui est puni ou ne l’est pas) ou une vision de la santé (conséquences de la violence sur la santé des individus ou sur les coûts dans la société) (Rivara et al., 2019). Cependant, ces deux perspectives qui permettent de définir les violences sont réductrices. En effet, analyser la violence sous l’angle légale est parfois compliqué, puisque d’une part certaines punitions physiques ne sont pas toujours réglées légalement en Suisse (par exemple la fessée occasionnelle) mais aussi, d’autre part, car les dénonciations de violence et les cas de violence rapportés aux autorités policières et à la justice ne sont pas représentatives du nombre d’actes réellement infligés dans la population globale (cf. « statistique de la violence » ci-dessous). De même, observer les conséquences de la violence sur la santé, bien que cela permette de prendre en compte les difficultés qu’elles peuvent engendrer, est réducteur puisque ces conséquences prennent souvent du temps à émerger. Leur apparition arrive souvent tardivement, engendrant parfois des séquelles à vie pour les victimes. 

Nous proposons plutôt de définir la violence en fonction de la distinction du point de vue de la victime et de celui de l’agresseur : la victime est celle qui définit les contraintes, les souffrances, etc. liées à un acte d’autrui. L’agresseur peut donc avoir le sentiment qu’il n’est pas violent alors que la victime ressent le comportement émis comme violent (par exemple, donner un surnom « pour rigoler » à un camarade d’école, qui peut s’avérer être un acte très blessant, donc violent).

Les violences interpersonnelles peuvent être de plusieurs types. L’Organisation mondiale de la santé (2002) catégorise les violences : physiques, psychologiques, sexuelles ou de type négligence et/ou privation. Ces violences peuvent être perpétrées par des étrangers ou des proches de la victime (famille, amis, etc.) (Organisation mondiale de la santé, 2002). Le harcèlement englobe toutes ces formes de violences et est défini en tant que tel lorsqu’il s’agit de comportements agressifs, intentionnels et répétés envers une même personne (Becker, 2019), ceux-ci pouvant être perpétrés par un individu seul ou un groupe d’individu.

La violence psychologique

La violence psychologique est, selon l’Office fédérale des assurances sociales (2005), caractérisée par des comportements d’hostilité (ex. humiliations), d’indifférence (ex. isolement, ignorance) ou de rejet qui mettent à mal le développement et/ ou l’autonomie de la victime. Lindsay et Clément (1998) expose une définition de la violence psychologique qui met en exergue le but explicite d’atteindre autrui et de le blesser sur le plan émotionnel. 

La violence physique

L’Office fédérale des assurances sociales (2005) définit la violence physique comme tout coup ou acte violent qui peut entraîner des lésions corporelles. Il est important de préciser que cette définition ne dépend pas uniquement de la présence de lésions physiques après la violence infligée à la victime, mais bien de la potentialité que la violence en question puisse engendrer une lésion corporelle (ex. un enfant qui reçoit une gifle n’aura pas forcément un bleu ou une marque visible, mais cet acte a le potentiel de créer une telle marque). 

Violence sexuelle 

La violence sexuelle sous-entend la mise en œuvre d’une contrainte par une personne sur une autre, contre son gré, afin d’obtenir satisfaction de ses propres besoins sexuels. Les agressions sexuelles peuvent prendre différentes formes, allant de l’exhibitionnisme et du voyeurisme, à l’exposition à de la pornographie, en passant par des attouchement ou demande de caresses, jusqu’aux actes de pénétration. L’élément central de la définition d’une violence sexuelle est l’aspect non-consenti du comportement exercé par l’agresseur sur la victime, mais aussi la pression que l’agresseur met en place auprès de la victime (ex. pour forcer un enfant à « garder le secret ») (Office fédérale de l’assurance sociale, 2005).

Négligence / privation 

La négligence implique de ne pas accorder des soins élémentaires, de la surveillance et/ou de la stimulation à un enfant de manière suffisante pour lui offrir un bon développement et un bien-être physique et psychique (Office fédérale de l’assurance sociale, 2005). 

Facteurs de risque de la violence 

Plusieurs facteurs de risque peuvent être à l’origine de la violence. Elle n’est jamais reliée à une cause unique, bien que certains éléments puissent être des « déclencheurs » de la violence. 

Les facteurs de risque peuvent agir à différents niveaux : individuel (capacité de gestion des conflits par exemple), familial (problème relationnel avec les parents), socio-économique (ex. isolement social) ou socio-structurel (ex. norme de violence tolérée à des fins éducatives) (Office fédérale des assurances sociales, 2005).

Sexe et âge

Concernant la violence en général, les femmes et les enfants sont les plus impactés (Hoeffler, 2017).

Les filles sont davantage confrontées à des violences sexuelles et les garçons sont souvent plus exposés à de la violence physique, tel que les châtiments corporels, à la fois en tant que victimes et en tant qu’auteurs (Baird et al., 2021). Cela ne signifie pas que les garçons ne sont pas confrontés à des violences sexuelles, ni que les filles ne soient pas exposées à des violences physiques. Il s’agit de fréquence moyenne selon le sexe, mais il est important de rester d’autant plus attentif aux potentiels signes d’une violence qui ne serait pas celle attendue dans le cas d’une fille ou d’un garçon. En effet, celles-ci peuvent être facilement oubliées du fait qu’on ne les attend pas ou moins chez une fille ou un garçon. 

Statut socio-économique

Les pays les plus pauvres sont les plus touchés par la violence (Hoeffler, 2017). Cependant, c’est aussi le cas des individus avec un statut socio-économique bas, notamment les enfants appartenant aux familles les plus défavorisées, ayant une difficulté d’accès aux logements, subissant un isolement social et/ou une stigmatisation (Escard, 2012). Cela ne signifie pas que les autres classes sociales soient immunisées face aux violences, mais bien que la population possédant le moins de ressource financière a plus de risque d’être exposée à des pressions et des violences structurelles, qui engendrent chez les individus des comportements de violence interpersonnelle. 

Statistiques sur la violence

En Suisse, chaque année, des milliers de mineurs sont victimes et/ou auteurs d’actes de violence en tout genre qui entraînent des conséquences psychiques graves. Chaque année l’OFS recense plus de 1680 victimes mineures en Suisse romande (Rapport Vaud, 2021 ; Rapport annuel Jura 2021 ; Rapport annuel Neuchâtel 2021 ; Rapport annuel Valais 2021 ; Rapport annuel Fribourg 2021 ; Rapport annuel Genève 2021). 

Des études scientifiques estiment que seuls 10% des cas sont déclarés (Optimus, 2018). Il y aurait donc en réalité 16’800 nouveaux cas de violence chaque année, rien qu’en Suisse Romande (dont : JU : 430, NE : 1470, VS : 2230, FR : 2290, VD : 6020, GE : 4360) (OFS, 2021). Avec de telles chiffres, la nécessité d’agir contre la violence semble évidente et impérative.

Conséquences de la violence sur l’enfant et l’adolescent 

Les conséquences de la violence peuvent apparaître rapidement ou non après le début des actes et peuvent durer sur le long terme. Les conséquences de la violence ne touchent pas seulement les victimes directes, mais aussi les témoins de celle-ci (ex. les enfants témoins de violences conjugales chez leur parents) (Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes BFEG, 2020). Les conséquences de la violence touchent également la société dans son ensemble. 

Conséquence sur les individus

La violence, sous ses différentes formes, durant l’enfance peut engendrer des perturbations à différents niveaux (Laforest et al., 2018 ; Rivara et al. 2019 ; Office fédérale de l’assurance sociale, 2005) : 

- Physique (ex. maladie cardiaque, cancer, obésité, maladie chronique tel qu’arthrite, ulcère, migraine, etc.)
- Psychique et/ou comportemental (ex. anxiété, dépression, idées suicidaires, consommation excessive et/ou addictions à des substances, troubles du comportement alimentaire, augmentation de l’agressivité, augmentation des comportements sexuels à risque avec une plus grande probabilité de contracter des MST, tentatives de suicides, etc.)
- Relationnel et/ou social (ex. altérations des relations sociales, trouble de l’attachement, etc.)
- Cognitives et/ou neurobiologiques (ex. retard de langage, retard de développement, difficultés scolaires, altération de la maturation cérébrale, etc.)

Conséquences sur la société 

Toute ces conséquences de la violence engendrent également des coûts importants au niveau de la société. Ces coûts sont notamment liés à la santé, à la justice ou au soutien des personnes concernées (ex. dans domaine professionnel). Rien que dans le canton de Berne, 23,5 millions de francs par an seraient dépensés pour faire face aux conséquences de la violence au sein des familles (Service bernois de lutte contre la violence domestique, 2017). On peut donc aisément conclure que ce montant prend l’ascenseur lorsqu’on prend en considération toutes les formes de violences sur l’ensemble du territoire suisse. 

Prévention et prise en charge de la violence 

La prévention de la violence permet d’agir aux sources même, avant qu’elle n’ait pu avoir d’impact sur les individus, et indirectement sur la société. Agir à un niveau individuel et à posteriori reste important, mais ne remplacera pas la prévention dite primaire. 

La prévention est un moyen efficace de lutter contre les violences et tout particulièrement auprès d’enfants. En effet, ces derniers apprennent facilement et sont suivis sur la durée par des spécialistes de la pédagogie dans le cadre scolaire. Mais, et c’est là le point fort, un dépistage réalisé précocement (c’est-à-dire avant la survenue de problème grave) permet de briser le cycle de la violence (Office fédérale des assurances sociales, 2005). 

Les programmes de prévention qui visent à renforcer la confiance en soi chez les enfants sont bénéfiques car cela met dans leurs mains des outils pour mieux se défendre face à tous types de violences (qu’elles soient physiques, verbales, psychologiques ou tout autre) mais aussi et surtout cela permet d’avoir moins recours à de la violence (Office fédérale des assurances sociales, 2005). Autrement dit, la prévention permet de prévenir la violence mais aussi d’y faire face lorsqu’elle apparait. Elle semble donc avoir un effet bénéfique autant en amont qu’en aval des violences. 

Conclusion

Les phénomènes de violence sont tellement importants qu’il est impératif de mettre en place des réponses satisfaisantes. Pour lutter au mieux contre la violence en général, il semble essentiel de mettre en place des programmes de prévention qui permettent d’en réduire l’occurrence. En rapport avec ce constat, Patouch met en place des cours de prévention de la violence qui sont directement adressés aux enfants et adolescents. En donnant des outils concrets aux enfants, Patouch espère pouvoir contribuer à briser le cycle de la violence.



Sources

Baird, S., Camfield, L., Ghimire, A., Hamad, B. A., Jones, N., Pincock, K., & Woldehanna, T. (2021). Intersectionality as a Framework for Understanding Adolescent Vulnerabilities in Low and Middle Income Countries: Expanding Our Commitment to Leave No One Behind. The European Journal of Development Research33(5), 1143–1162. https://doi.org/10.1057/s41287-021-00440-x

Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes BFEG, 2020, Violence domestique : définition, formes et conséquences.

De Becker, E. (2019). Le harcèlement scolaire: un phénomène maltraitant particulier. Acta Psychiatrica Belgica. https://dial.uclouvain.be/pr/boreal/object/boreal:224034

Escard, E. (2012). Précarité et violences: quels liens? Schweizerische Ärztezeitung93(5152), 1916–1919. https://doi.org/10.4414/saez.2012.01013

Hoeffler, A. (2017). What are the costs of violence? Politics, Philosophy &Amp; Economics16(4), 422–445. https://doi.org/10.1177/1470594x17714270

Laforest, J., Maurice, P. et Bouchard, L M. (dir.). (2018). Rapport québécois sur la violence et la santé. Montréal : Institut national de santé publique du Québec

Lindsay, J., & Clément, M. (2005). La violence psychologique : sa définition et sa représentation selon le sexe. Articles11(2), 139–160. https://doi.org/10.7202/058008ar

Michaud, Y. (2014). Définir la violence ? Les Cahiers Dynamiques60(2), 30. https://doi.org/10.3917/lcd.060.0029

Office fédérale des assurances sociales, OFAS. (2005). Violence envers les enfants Concept pour une prévention globale.

Optimus. (2018). Mauvais traitements envers les enfants en Suisse: Formes, assistance, implications pour la pratique et le politique. UBS Optimus Foundation. Retrieved January 23, 2023, from http://www.optimusstudy.org/

Organisation mondiale de la Santé. (2002). Rapport mondial sur la violence et la santé. Retrieved January 11, 2023, from https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/42545/9242545619_fre.pdf

Rapport annuel Fribourg. (2021). OFS Statistique policière de la criminalité (SPC). 

Rapport annuel Genève. (2021). OFS Statistique policière de la criminalité (SPC). 

Rapport annuel Jura. (2021). OFS Statistique policière de la criminalité (SPC). 

Rapport annuel Neuchâtel. (2021). OFS Statistique policière de la criminalité (SPC). 

Rapport annuel Valais. (2021). OFS Statistique policière de la criminalité (SPC).  

Rapport annuel Vaud. (2021). OFS, Statistique policière de la criminalité (SPC). 

Rivara, F., Adhia, A., Lyons, V., Massey, A., Mills, B., Morgan, E., Simckes, M., & Rowhani-Rahbar, A. (2019). The Effects Of Violence On Health. Health Affairs38(10), 1622–1629. https://doi.org/10.1377/hlthaff.2019.00480

Service bernois de lutte contre la violence domestique (SLVD). (2017). Identifier, documenter et traiter la violence domestique: Guide pratique destiné aux professionnel(le)s de la santé. Retrieved January 23, 2023, from http://www.be.ch/slvd

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